À vos marques, prêts, partez ! Utilisateurs d’appareils auditifs : quelles stratégies de recherche d’emploi ?

Il serait naïf de prétendre que les malentendants n’ont aucun mal à trouver un emploi. Dans les faits, ils sont quatre fois plus susceptibles d’être touchés par le chômage que les demandeurs d’emploi de la population générale. Quant à ceux qui ont réussi à décrocher un poste, ils ne sont pas forcément mieux lotis : nombre d’entre eux stagnent à des postes au bas de l’échelle car ils ne parviennent pas, pour différentes raisons, à trouver un emploi à la hauteur de leurs qualifications, de leurs capacités et de leurs compétences.

Action on Hearing Loss estime que près de 4 millions de Britanniques en âge de travailler (et environ 360 millions de personnes au total dans le monde) souffrent d’une perte d’audition à des degrés divers. Un très grand nombre de personnes se retrouvent donc privées des bienfaits qu’apporte un emploi pour la santé mentale, comme une meilleure estime de soi ou encore un sentiment de bonheur et d’intégration accru.

Nous savons donc que les personnes atteintes d’un déficit auditif rencontrent plus de difficultés que la moyenne à décrocher un emploi et à le conserver, mais quelles en sont les causes ? Dans certaines cultures, la surdité partielle ou totale est expliquée par des superstitions, voire considérée comme une malédiction. Cependant, de manière générale, on pense que des facteurs à la fois émotionnels et d’ordre pratique jouent un rôle. Les demandeurs d’emploi doivent gérer leur malaise à l’idée de porter des prothèses auditives, signes visibles de leur « différence ». En face d’eux, les employeurs ne sont guère rassurés par la perspective de difficultés potentielles de communication, auxquelles s’ajoutent des systèmes d’aide trop faibles sur le lieu de travail.

La bonne nouvelle, c’est qu’il est possible d’améliorer cette situation. Avec quelques aménagements, de la flexibilité et une attitude positive, il n’y a aucune raison pour que le port d’appareils auditifs se traduise par une exclusion des personnes malentendantes des emplois rémunérés ou, plus exactement, par un repli sur des choix de carrière par défaut.

Un univers sonorisé

Le Danemark est un pays progressiste, et ses habitants sont connus pour figurer parmi les personnes les plus heureuses de la planète, et ce malgré un taux d’imposition élevé. Ils bénéficient en retour de services publics adéquats et d’un fort soutien du gouvernement. Dans ce pays, les malentendants sont deux fois plus susceptibles d’être sans emploi, un chiffre tout de même deux fois moins élevé qu’au Royaume-Uni. Le fait de connaître la cause de cette situation donne de précieux indices qui peuvent être mis à profit par les demandeurs d’emploi dans le monde entier.

En résumé, au Danemark, les personnes sourdes et malentendantes peuvent compter sur une attitude positive répandue de la part du public et des employeurs, ces derniers tendant à être plus compréhensifs et enclins à apporter leur soutien à celles et ceux nécessitant un petit supplément d’adaptation de la part de leurs collègues et de leur environnement de travail. Dans un environnement professionnel, cette approche se traduit par une communication plus aisée entre les personnes souffrant de troubles de l’audition et leurs collègues, clients, consommateurs et responsables.

À vos marques ! Déterminez ce que vous voulez, ce que vous aimez faire et ce pour quoi vous avez du talent.

Abordez votre recherche d’emploi comme tout le monde, en réfléchissant à ce que vous voulez faire, ce que vous pouvez faire, ce que vous aimeriez (ou détesteriez) faire à longueur de journée, ce qui vous semble facile et ce qui est difficile. Il faudra bien sûr tenir compte de certaines limites, mais qui n’en a pas ? Une danseuse de ballet de grande taille devra bien réadapter ses espoirs. Alors, même si le port d’appareils auditifs vous écarte de certains emplois, il y a une foule de choses que vous pouvez gérer. Une fois que vous vous découvrez une passion, vous pouvez rechercher les formations ou expériences à acquérir pour faire avancer les choses.

Un blogueur populaire qui rend compte de son vécu dans ses écrits sur des sujets autour du quotidien avec des appareils auditifs, est un fervent défenseur de l’idée de ne pas se contenter de moins que ce à quoi on a droit, même si cela exige certains compromis. « La grande erreur que font les gens …, c’est d’envisager un travail qui leur plairait, un travail qu’ils pourraient vraiment apprécier, et de croire qu’ils ne peuvent pas le réaliser parce qu’ils ne peuvent pas le faire exactement de la même façon que quelqu’un d’autre. » Certes, certains aménagements s’avèreront peut-être nécessaires. Une même tâche pourra être envisagée autrement (plus de détails sur ce point ultérieurement), mais vous n’avez pas à tout accepter sans condition pour trouver un emploi.

Prêts ! Abordez le sujet qui fâche

À quel moment est-il préférable d’évoquer le fait que vous portez des prothèses auditives ? Une stratégie possible consiste tout simplement à ne pas en parler avant l’entretien d’embauche. Il n’y a rien de mal à cela, à moins que la procédure de soumission de candidatures ne fasse directement allusion à vos capacités auditives. Mais de toute façon, la réalité vous trahira le jour de l’entretien. Mieux vaut donc avoir quelques astuces en poche pour les étapes suivantes.

Avez-vous déjà pensé au fait que porter des prothèses auditives pouvait en réalité constituer un atout ? L’écrivain et cinéaste Charlie Swinbourne est convaincu que les tentatives vouées à l’échec de certains malentendants de communiquer sans leurs appareils auditifs sont une technique d’auto-sabotage classique, qui risque en outre de donner l’impression que les malentendants seraient des personnes lentes et moins capables que les autres. Plutôt que d’avoir honte de sa différence, il assume totalement les signaux que les prothèses auditives envoient aux autres personnes et la façon dont ces appareils lui simplifient la tâche lorsqu’il a besoin de demander de l’aide en matière de communication. Et pour ne rien gâcher, les appareils modernes peuvent se révéler bien plus attrayants que les modèles standards du passé. Alors osez les couleurs vives et les modèles originaux si cela simplifie pour vous le fait de montrer au reste du monde que ces appareils sont tout simplement une partie de votre vie.

Pas de panique si cette stratégie ne vous inspire pas. Il y a d’autres moyens d’aborder les préoccupations tacites partagées par nombre de recruteurs, et ces moyens sont d’importance égale, que vous ayez ou non opté pour faire de vos appareils auditifs des accessoires de mode.

Utilisez les possibilités offertes par les quotas

De nombreux pays dans le monde entier ont établi une législation destinée à améliorer l’accès à l’emploi des personnes qui ont des besoins spéciaux. Parfois désignée par l’appellation de « discrimination positive », cette législation contraint les entreprises à respecter les quotas imposés par le gouvernement sur l’embauche d’un pourcentage d’employés porteurs de handicap. Le non-respect de ces quotas peut conduire les entreprises concernées à verser de lourdes amendes. Par conséquent, vos chances peuvent être plus grandes de trouver un emploi dans les entreprises relevant de ce régime (qui s’applique en général uniquement aux sociétés comptant un nombre minimum variable d’employés en interne). Malheureusement, il ne s’agit pas d’une pratique universelle. D’autres pays, à l’instar du Royaume-Uni dans lequel le régime de quotas a été abandonné il y a une vingtaine d’années, s’appuient uniquement sur des lois anti-discrimination. Ces lois ont en général moins de mordant et sont plus difficiles à faire respecter, mais vous avez encore une carte à jouer, et elle pourrait bien être votre sésame !

Partez ! Abordez ouvertement les craintes et les préjugés habituels des employeurs sur les malentendants

Les demandeurs d’emploi britanniques porteurs de prothèses auditives augmentent leurs chances de réussite s’ils jouent un rôle actif dans le cadre de l’entretien. Les employeurs sont légalement tenus de prendre des « dispositions raisonnables » pour les personnes atteintes de troubles auditifs, et ce aussi longtemps qu’elles sont concernées par la question. S’il est probable que peu d’entre elles y voient la moindre objection, force est de reconnaître que bien souvent les entreprises n’ont pas la moindre idée de ce que cela veut dire concrètement.

Dans les faits, il est probable qu’au cours de l’entretien, l’employeur se pose les mêmes questions et rencontre les mêmes inquiétudes que celles que vous avez traversées à un moment donné. Pourrez-vous gérer le travail que l’on attend de vous ? Serez-vous en mesure de bien vous entendre avec vos collègues ? La communication sera-t-elle difficile, voire impossible ? En résolvant ces problèmes et en présentant des alternatives raisonnables aux inquiétudes non formulées par l’entreprise, vous augmentez sérieusement vos chances de réussite.

Les énigmes de la communication

C’est de loin la préoccupation la plus importante, dans la mesure où les deux tiers des travailleurs malentendants ne bénéficiant d’aucune disposition spécifique rencontrent les plus grandes difficultés à communiquer efficacement avec leurs collègues, clients et/ou responsables. Rien d’étonnant donc à ce que les employeurs anticipent la survenue de problèmes lors de réunions ou d’appels téléphoniques, et s’effraient encore plus à l’idée des coûts nécessaires à la réalisation des aménagements requis pour accueillir une personne porteuse d’un équipement spécifique.

Imaginez le changement qui s’opère si vous êtes en mesure de fournir des informations sur des programmes tels que les aides pour l’accès à l’emploi. Les candidats peuvent demander ces aides à tout moment. Il n’est pas nécessaire d’être déjà en poste pour être éligible. Cela permet aux employeurs d’acheter des équipements essentiels tels qu’un téléphone à texte ou une boucle magnétique d’amplification sonore pour faciliter la communication.

Quelques astuces simples

Des employés de bureau sourds partageant leurs conseils pour créer une expérience positive et productive au travail indiquent la nécessité d’aborder le sujet de l’audition ouvertement et sans honte. En effet, la plupart des gens apprécieront de pouvoir apprendre comment mieux communiquer avec vous. Parmi les autres suggestions : demander de l’aide en cas de besoin et travailler, dans la mesure du possible, depuis un emplacement qui donne sur la majeure partie de la pièce. Gian Luca conseille également de paraphraser les points-clés en réunion pour vérifier l’exactitude, de préférer les conversations vidéo aux appareils téléphoniques si cela apporte une aide, ou encore d’envoyer une synthèse des notes prises lors d’une réunion à tous les participants afin de dissiper tout malentendu.

Le mot de la fin

Le message le plus important à retenir de cet article est peut-être le suivant : être ouvertement identifié comme une personne malentendante du fait de vos prothèses auditives est certes une réalité du quotidien, mais ce n’est en aucun cas un élément qui doit façonner vos attentes ou vos réalisations. Vous avez parfaitement la possibilité de dénicher le poste que vous voulez, et si pour y parvenir vous empruntez un parcours non conventionnel, votre parcours n’en a pas moins de valeur que n’importe quel autre.

"Pourrez-vous gérer le travail que l’on attend de vous ?"
"Serez-vous en mesure de bien vous entendre avec vos collègues ?"
"La communication sera-t-elle difficile, voire impossible ?"