Beth Weller fait partie de l’équipe féminine de l’England Deaf Rugby Union, un club de rugby pour les personnes sourdes en Angleterre. Elle raconte comment elle poursuit ses ambitions malgré sa perte d’audition.

Beth Weller joue au poste de demi de mêlée dans l’équipe féminine de l’England Deaf Rugby Union. Elle qui présente une forme rare de perte d’audition appelée « cookie bite » partage son expérience personnelle et quelques conseils pour gérer le handicap auditif dans la pratique d’un sport.

Je suis atteinte de surdité congénitale depuis ma naissance. Le fait que je sois née prématurée (25 semaines avant le terme) a probablement été un facteur de la forme très rare de perte d’audition dont je souffre.

J’ai connu une scolarité difficile. J’avais du mal à suivre les cours au rythme de mes camarades et, souvent, je luttais pour rester éveillée. Les professeurs me catégorisaient comme paresseuse ou désobéissante et attribuaient mes problèmes à un manque de bonne volonté plutôt qu’à mes difficultés pour comprendre les cours.

Ma mère a demandé à mon médecin de vérifier mon audition à de nombreuses reprises, mais le corps médical concluait systématiquement que mes différentes pertes d’audition étaient dues à un rhume ou à une autre maladie passagère. Nous savions qu’il y avait autre chose, car j’étais rarement malade.

Diagnostic

À l’âge de 11 ans, j’ai appris que je souffrais d’une forme rare de perte d’audition appelée « Cookie Bite Hearing Loss ». Mon audioprothésiste m’a aidée à comprendre ce qu’était ce syndrome. Elle m’a donné un audiogramme à colorier qui montrait la diminution de mon niveau d’audition pour les fréquences moyennes. Elle m’a expliqué que ma perte d’audition était légère, mais que la courbe qui avait la forme d’un croc dans un biscuit (cookie bite) sur mon audiogramme se situait sur la plage de fréquences correspondant à la plupart des prises de parole et conversations.

Le diagnostic a permis d’expliquer pourquoi j’avais tant de difficultés à l’école. Je ne percevais pas ces fréquences essentielles auxquelles parlaient les gens, et le bruit ambiant à l’école me compliquait la tâche, si bien que j’avais du mal à suivre les cours et à me faire des amis. Je me sentais isolée.

La perte d’audition s’est aggravée au fil des années, et la situation a empiré au lycée. À l’époque, il n’y avait pas d’aide aux élèves souffrant d’une perte d’audition, ou très peu. Même si la politique de mon école consistait à m’apporter le soutien nécessaire sans pour autant me mettre à l’écart, cela ne fonctionnait pas. Mon bureau avait été placé tout à l’avant de la salle de classe, collé à celui du professeur. J’avais l’impression que tous les regards étaient posés sur moi, cela ne faisait que renforcer le sentiment d’être différente des autres.

À l’université, j’ai vécu une meilleure expérience. J’ai bénéficié d’un vrai soutien, et notamment de versions imprimées des cours pour me concentrer sur leur contenu et mieux le comprendre.

Ma découverte du rugby

Pendant mes années universitaires, j’ai rejoint le club England Deaf Rugby. J’ai discuté avec l’un des joueurs de la première équipe masculine, qui souffrait lui aussi d’une perte d’audition. Il m’a dit que l’Angleterre cherchait à recruter des joueuses malentendantes ou sourdes et m’a encouragée à faire une première séance d’entraînement. Ça a été une révélation. C’était la première fois que je rencontrais des hommes et des femmes qui souffraient d’une perte d’audition et partageaient l’amour du rugby.

Mon premier match s’est déroulé au Cardiff Arms Park. En enfilant le maillot pour la première fois, j’ai vécu un moment spécial que je n’oublierai jamais.

En avril 2018, on m’a invitée à participer au tournoi World Deaf Rugby 7s à Sydney, en Australie, dans l’équipe des Barbarians. Le plan est tombé à l’eau à quelques jours de l’événement, mais on m’a alors proposé de jouer dans le camp australien. Pendant le tournoi, j’ai donc arboré le prestigieux maillot doré et représenté les Wallabies contre mon propre camp.

Cette expérience était d’autant plus mémorable que mon compagnon, qui m’avait accompagnée jusqu’à Sydney, m’a demandée en mariage pendant notre séjour.

Avis aux malentendants : ne tirez pas un trait sur vos ambitions !

À l’occasion du World Deaf 7s, j’ai rencontré des joueurs venus des quatre coins du monde, qui pratiquaient différents sports. Je fais désormais partie d’une communauté plus vaste de personnes sourdes. Les problèmes d’audition ou la surdité peuvent parfois vous mettre à l’écart, mais j’ai découvert que faire un sport avec des gens ayant le même handicap m’aidait à construire un réseau sur lequel m’appuyer et me redonnait confiance en moi.

L’exemple de Jodie Ounsley, l’une des joueuses du club, montre bien que la perte d’audition ne doit pas vous empêcher de poursuivre vos ambitions, aussi élevées soient-elles. Elle est devenue une athlète professionnelle malgré sa surdité, en signant un contrat pour intégrer l’équipe England Women’s 7s en vue des Jeux Olympiques de 2020. Auparavant, elle avait représenté le Royaume-Uni aux Deaflympics en tant que sprinteuse, et avait également remporté le prix « Young Deaf Sports Personality » en 2018.

Conseils de Beth pour gérer le handicap auditif dans la pratique d’un sport

  • Évitez d’abîmer votre aide auditive pendant l’entraînement

    Les appareils auditifs coûtent cher et le rugby est un sport de contact. Les joueurs sont obligatoirement en contact avec la boue, l’eau et les autres, ce qui n’est pas sans risque pour les aides auditives. En ce qui me concerne, je préfère laisser les miennes dans un casier, en laissant le compartiment à piles ouvert pour faire durer les piles plus longtemps. D’autres joueurs choisissent de porter les leurs pendant l’entraînement, avec un casque de protection. À chacun sa méthode !

  • Suivez les règles de votre discipline

    Par exemple, il est interdit de porter des aides auditives pendant les matchs internationaux entre équipes de joueurs sourds. Je me débrouille en lisant sur les lèvres, en communiquant de manière non verbale et en demandant à l’entraîneur de répéter les instructions que je n’ai pas saisies. Il est important de suivre les règles de votre sport, car elles ont été établies pour vous protéger ainsi que vos coéquipiers.

  • Trouvez l’appareil qui vous convient

    Trouver l’aide auditive qu’il vous faut est important : ça peut prendre du temps mais ça vaut le coup, croyez-moi ! Je porte un appareil Oticon OPN puissant et confortable qui est parfaitement adapté à mon mode de vie. Je l’utilise pour  écouter mes morceaux de musique quand je vais à la salle de sport.

  • Préparez-vous

    Si comme moi vous portez un appareil auditif exigeant, vous devez être prévoyant. Gardez toujours des piles de secours à portée de main, au cas où votre aide auditive tomberait subitement en panne d’énergie. Choisissez une marque dont les produits durent le plus longtemps possible et apprenez à utiliser les batteries de votre aide auditive de manière optimale.

  • Reposez-vous

    Pour finir, prenez du temps pour vous. La perte d’audition en elle-même peut être très fatigante, ne l’oublions pas. Les efforts pour communiquer avec les autres et traiter les informations, ce qu’on appelle souvent la fatigue d’écoute, vous prennent une bonne partie de votre énergie. Si en plus vous suivez un programme d’entraînement, cela peut être épuisant. Il est donc important que vous dégagiez du temps dans votre planning pour vous détendre.

Les opinions exprimées dans ce texte sont celles de l’auteur et non d’Energizer.

"Les problèmes d’audition ou la surdité peuvent parfois vous mettre à l’écart, mais j’ai découvert que faire un sport avec des gens ayant le même handicap m’aidait à construire un réseau sur lequel m’appuyer et me redonnait confiance en moi."